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Eligibilité au mécénat des dons consentis à des organismes étrangers - Refus d’agrément

Dans quelles conditions les dons effectués au profit d’un organisme sans but lucratif de droit étranger peuvent-ils ouvrir droit à une réduction d’impôt en France dans le cadre du dispositif prévu aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts ?

1- La réglementation en vigueur
Les articles 200, 1, b) et 238 bis, 1, a) du code général des impôts permettent aux contribuables français d’obtenir une réduction d’impôt proportionnelle au montant des dons effectués au profit d’organismes répondant aux conditions suivantes :

  • être d’intérêt général au sens fiscal (i.e. ayant une activité non lucrative, une gestion désintéressée et ne fonctionnant pas au profit d’un cercle restreint de personnes) ;
  • et avoir une activité présentant un caractère éducatif, philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l’achat d’objets ou d’œuvres d’art destinés à rejoindre les collections d’un musée de France accessibles au public, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

Il se déduit des paragraphes 4 bis des articles précités que seuls les dons effectués au profit d’organismes français ou établis dans l’Union européenne ou dans un autre Etat membre de l’Espace économique européen peuvent faire l’objet d’une réduction d’impôt au titre de ces dispositions (BOI-BIC-RICI-20-30-10-10-20190807, § 220).

L’administration fiscale précise que « les organismes européens concernés doivent poursuivre des objectifs et présenter des caractéristiques similaires, tant par leur forme que par leur objet, à ceux des organismes éligibles dont le siège est situé en France. En effet, il ne suffit pas qu’un organisme se prévale de la qualification d’intérêt général qui lui est reconnue par l’État dans lequel son siège est établi, il doit répondre à l’ensemble des conditions prévues pour l’application du régime français du mécénat » (BOI-BIC-RICI-20-30-10-10-20190807, §§ 220 et s.).

2- Application de ces principes par la Cour administrative d’appel de Paris

La Cour administrative d’appel de Paris a fait application de ces principes dans un arrêt du 5 novembre 2019*.

La Fondation ULB, créée par l’Université libre de Bruxelles, a pour objet de favoriser la recherche scientifique au sein de cette université en levant des fonds, en Belgique et à l’étranger. Afin que ses donateurs français puissent bénéficier des réductions d’impôt prévues aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts, elle a déposé une demande d’agrément auprès de l’administration fiscale française.

L’administration ayant refusé de faire droit à sa demande, la Fondation a déposé une requête en annulation de la décision devant le Tribunal administratif de Paris qui l’a rejetée par jugement du 14 mars 2018 (n° 1609673)** , considérant que :

  • « sa seule vocation à « favoriser la recherche scientifique (…) en organisant des activités de levée de fonds », ainsi que la définissent ses statuts, ne saurait lui conférer le caractère d’une œuvre ou d’un organisme d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, au sens du b du 1 de l’article 200 précité du CGI » ;
  • « l’intéressée, concourant à la diffusion des connaissances scientifiques belges et non françaises, ne poursuit pas des objectifs identiques à ceux d’un organisme, situé en France, répondant aux conditions fixées par l’article précité  ; que, partant, elle ne peut être regardée comme se trouvant dans une situation objectivement comparable à celle d’un tel organisme ».

La Fondation ULB, interjetant appel de ce jugement, demandait alors à la Cour administrative d’appel de Paris de l’annuler et de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle relative à l’interprétation, d’une part, du principe de liberté de circulation des capitaux garanti par l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), et d’autre part de l’objectif de l’Union de développer la recherche et le développement prévu par l’article 179 du TFUE.

Mais la Cour, reprenant l’argumentation des juges du premier degré, a considéré que, bien que poursuivant un but d’intérêt général, la fondation ULB n’entrait pas dans la catégorie des organismes à caractère philanthropique, ni ne concourait à la diffusion des connaissances scientifiques françaises. Elle ne répondait donc pas aux conditions des articles 200, 1, b) et 238 bis, 1, a). Elle ne pouvait donc pas être regardée comme poursuivant des objectifs et présentant des caractéristiques similaires aux organismes dont le siège est situé en France et qui répondent aux conditions fixées par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Par suite, le ministre de l’action et des comptes publics était fondé à refuser de lui délivrer l’agrément sollicité sur le fondement du paragraphe 4 bis de ces articles.

Au stade de l’examen de la conformité de la loi française au TFUE, la Cour, considérant que les dispositions des articles critiqués ne sont pas incompatibles avec le principe de libre circulation des capitaux (article 63 TFUE) et l’objectif de développement de la recherche (article 179 TFUE), a refusé d’opérer un renvoi préjudiciel.

*Cour administrative d’appel de Paris, 5 novembre 2019, n° 18PA01642, Fondation ULB
**Tribunal administratif, Paris 1ère section, 1ère chambre, 14 mars 2018, n° 1609673, Fondation U