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Pacte Dutreil : Mise à jour des commentaires de l’administration fiscale en consultation publique

L’article 40 de la loi de finances pour 2019 avait considérablement aménagé les conditions d’exonération de droits de mutation à titre gratuit, à hauteur de 75% de leur valeur, des titres d’une société opérationnelle en cas de transmission, dispositif communément appelé « Pacte Dutreil ».

L’Administration fiscale a ainsi modifié sa doctrine et propose un projet de BOFIP en consultation publique jusqu’au 6 juin 2021 pour tenir compte des évolutions législatives et jurisprudentielles récentes, notamment sur les principaux sujets suivants :

(i) Outre les personnes physiques, les transmissions de titres à des fonds de pérennité, créés par la Loi PACTE du 22 mai 2019, peuvent depuis le 1er janvier 2019, bénéficier de l’exonération Dutreil.

(ii) L’Administration fiscale a pris soin de tirer les conséquences de la réponse ministérielle BOBE du 31 mai 2005, admettant le bénéfice de l’exonération Dutreil aux sociétés en participation.

(iii) Si le doute pouvait subsister sur l’éligibilité au Pacte Dutreil de l’activité de location meublée, il est désormais levé, le projet de BOFIP l’excluant sans ambiguïté.

(iv) Le projet de BOFIP précise que bien que la société objet d’un Pacte Dutreil doive conserver son activité éligible tout au long de la durée des engagements collectifs et individuels, soit, a minima 6 ans, un changement d’activité est toutefois possible pendant cette période, si la nouvelle activité éligible est exercée « immédiatement après ou concomitamment avec l’ancienne ». Reste à savoir quel sera le degré d’appréciation retenu par l’Administration dans ce type de situation.

(v) En ce qui concerne la notion d’activité mixte exercée par une société sous Pacte Dutreil, à savoir une activité qui serait éligible et une activité non éligible (civile), le projet de BOFIP tire les conséquences de la jurisprudence du Conseil d’Etat du 23 janvier 2020 et précise qu’ « à titre de règle pratique, il est admis qu’une société exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de façon prépondérante lorsque le chiffre d’affaires procuré par cette activité représente au moins 50 % du montant de son chiffre d’affaires total et que la valeur vénale de l’actif brut immobilisé et circulant affecté à cette activité représente au moins 50 % de la valeur vénale de son actif brut total. »

En ce qui concerne les holdings animatrices éligibles, le projet de BOFIP indique que le caractère animateur de la holding est retenu lorsque, la valeur vénale des titres des filiales exerçant une activité éligible représente plus de 50% de l’actif total de la holding. L’Administration suit donc sur ce point la dernière jurisprudence de la Cour de cassation du 14 octobre 2020.

(vi) L’Administration met à jour le BOFIP suite à l’évolution législative relative au nouvel engagement unilatéral. En effet, un engagement unilatéral de conservation peut désormais être souscrit par le défunt ou le donateur seul, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit. Le souscripteur unique peut être l’associé d’une société unipersonnelle ou l’associé d’une société, sous respect de l’ensemble des autres conditions de détention (pourcentage et durée).

(vii) Les commentaires mis à jour précisent que les engagements de conservation doivent désormais porter sur au moins 10% des droits financiers et 20% des droits de vote attachés aux titres émis par la société lorsque celle-ci est cotée. Ces seuils sont portés à 17% des droits financiers et 34% des droits de vote pour les sociétés non cotées.

(viii) L’Administration fiscale a pris soin de lever le doute quant à la possibilité d’utiliser le mécanisme de l’engagement collectif réputé acquis en cas de double interposition entre le redevable et la société cible. En revanche il est précisé que, concernant la condition afférente à la fonction de direction dans la société, elle doit être exercée personnellement par le donateur/défunt, et non par une société interposée.

(ix) L’Administration fiscale prend, dans ce projet de BOFIP, une position surprenante en ce qui concerne l’exercice des fonctions de direction à la suite de la transmission. En effet, jusqu’à présent, pendant la période de 3 ans suivant la transmission, la fonction de direction devait être exercée par l’un des héritiers, légataires ou donataires (qui avait pris l’engagement individuel de conserver les titres reçus du fait de la transmission à titre gratuit) ou par un associé de la société opérationnelle signataire de l’engagement collectif de conservation. Or le projet de BOFIP vient ajouter une nouvelle condition non prévue par l’article 787 B du CGI, à savoir que l’associé de la société opérationnelle signataire de l’engagement collectif de conservation doit encore être tenu au respect de cet engagement pour pouvoir exercer des fonctions de direction. Autrement dit, à compter de la transmission, le donateur ne pourrait pas exercer la fonction de direction si l’engagement collectif ou unilatéral de conservation de 2 ans a expiré. Nous espérons que l’Administration reviendra sur ses commentaires qui en l’état semblent manifestement contraires au texte de l’article 787 B du CGI.

(x) Enfin, le casse-tête des obligations déclaratives est allégé par la suppression de l’obligation de fourniture d’attestations annuelles. L’obligation déclarative intervient désormais seulement lors de la transmission et à l’expiration de l’engagement individuel de conservation. Il est toutefois possible pour l’Administration, en cours de période d’engagement, de demander aux bénéficiaires de l’exonération Dutreil de fournir lesdites attestations.

Mathieu LE TACON, Léa ZERILLI, Evan BALLET-BAZ, DELSOL Avocats