Applicable à une procédure d’inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le deuxième alinéa de l’article L. 1226-12 du Code du travail dispose que « L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi ».
Dans l’affaire soumise à la chambre sociale de la Cour de cassation, une salariée engagée le 25 avril 1994 en qualité d’opératrice est déclarée inapte à son poste de travail le 6 novembre 2017, à la suite d’un accident du travail. L’avis d’inaptitude mentionne que « l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », reprenant ainsi la formulation de l’article L. 1226-12 du Code du travail. A ce titre, l’employeur n’avait pas jugé devoir consulter le comité social et économique (CSE) sur cette procédure d’inaptitude.
La salariée licenciée saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes et conteste notamment la régularité de la procédure de licenciement au motif que les délégués du personnel n’ont pas été consultés.
La demanderesse est déboutée en première instance mais obtient gain de cause en appel. En effet, la chambre sociale de la Cour d’appel de Chambéry juge que : « Désormais et quelle que soit l’origine de l’inaptitude, l’employeur a l’obligation de solliciter l’avis du comité économique et social , anciennement délégués du personnel en application des article L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016. La consultation doit être faite même en l’absence de possibilité de reclassement. Le défaut de consultation des délégués du personnel est sanctionné à l’article L 1226-15 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 par l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3-1 du code du travail qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire » (Cour d’appel de Chambéry, 22 octobre 2020, n°19/00263).
En cette matière, les articles L. 1226-2 (inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel) et L. 1226-10 (inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle) du Code du travail disposent en effet - sans préciser le cas d’inaptitude auquel ils s’appliquent - que la proposition de reclassement faite à un salarié déclaré inapte est effectuée postérieurement à « l’avis du comité social et économique s’il existe ».
La société défenderesse est ainsi condamnée au paiement d’une indemnité égale à six mois de salaire au titre de l’inobservation de la procédure de licenciement pour inaptitude.
L’employeur se pourvoit en cassation et soutient que : « Lorsque le médecin du travail précise expressément dans l’avis d’inaptitude que l’état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur, qui est alors dispensé légalement de toute recherche de reclassement, n’est pas tenu de consulter les représentants du personnel pour recueillir leur avis sur un reclassement qu’il n’est pas tenu d’effectuer ».
La question en suspens était donc celle de savoir si la consultation des délégués du personnel (ou du CSE) est obligatoire, lorsque l’avis d’inaptitude - qu’il soit d’origine professionnelle ou non - comporte la mention expresse selon laquelle tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.
Il était utile que cette question soit tranchée par la Cour de cassation afin de mettre un terme aux divergences des arrêts d’appel sur ce point qui jugeaient :
La chambre sociale de la Cour de cassation retient l’argument développé par la société et juge que : « Lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter les délégués du personnel ».
Cette solution, de bon sens, doit être saluée. L’obligation de consulter le CSE s’impose lorsqu’elle porte sur le contrôle d’une tentative de reclassement. A l’inverse, elle n’a plus d’objet - et ne saurait donc être obligatoire - lorsque la possibilité de reclasser le salarié déclaré inapte est expressément exclue par le médecin du travail au motif que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.
La position de la Cour de cassation s’inscrit ainsi dans la droite ligne de la réforme de la procédure d’inaptitude opérée par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Ce texte avait en effet pour objet affiché de simplifier la procédure d’inaptitude [1]., notamment en répondant aux« effets de la jurisprudence de la Cour de cassation obligeant l’employeur à rechercher un poste de reclassement alors même que le salarié est déclaré inapte à tout poste, y compris lorsque le médecin mentionne que son maintien est préjudiciable à sa santé ».
[1] Rapport n°3675 enregistré à la Présidence de l’Assemble nationale le 7 avril 2016